La mauvaise fin

Ovila se sent vieux. Il a eu 90 ans aujourd’hui et il n’aime pas bien ça. Personne ne lui a souhaité bonne fête puisqu’il a coupé les ponts avec tout son entourage. Il vit maintenant dans la campagne au beau milieu de nulle part, on ne sait pas trop où en particulier. Tout ce qu’on sait sur Ovila, c’est qu’il vient d’avoir 90 ans et qu’il vit seul dans la campagne. Chaque jour, il fait la même chose, ce qui consiste à s’asseoir dans son fauteuil préféré, boire un thé et lire un livre. Ovila a une magnifique bibliothèque, remplie de vieux livres poussiéreux, de la vigne un peu partout et quelques chandelles. Il adore la nature, c’est pour ça qu’il vit à la campagne. Sa maison est faite complètement de bois et il laisse entrer les animaux s’ils veulent s’y loger. Ovila vit une très belle vie, mais aujourd'hui, il se sent vieux. Il aime parler aux animaux, même s’il sait qu’ils ne comprennent pas ce qu’il leur dit. Il leur demande s’ils vont bien, ce qu’ils ont mangé comme souper hier, etc. Il leur demande aussi s’ils voudraient bien entendre une histoire. Ovila leur lit par la suite une histoire. Ovila raconte très bien les histoires. Il les raconte si bien, que les animaux ont l’air très captivés à chaque fois. L’autre soir, il leur a raconté une histoire sur une jeune femme qui vivait un amour interdit avec un certain homme s’appelant Roméo. Le soir d’après, c’était un garçon sur une drôle de planète qui demandait à quelqu’un de lui dessiner un mouton. Les animaux ont vraiment l’air d’adorer les histoires. Ce soir, Ovila va leur raconter une histoire qu’il a inventée lui-même. Elle débute comme suit: il était une fois un jeune petit garçon qui est né durant un monde en guerre. Lorsque le jeune garçon a eu 3 ans, son père a dû s’enrôler. Depuis, il ne l’a plus jamais revu. Durant son adolescence, il avait l’impression que personne ne le comprenait. Il n’avait pas beaucoup d’amis et ceux qu’il avait n'étaient pas toujours très évidents avec lui. Rendu à l’âge adulte, il a travaillé pour sa mère, mais même le travail n’était pas trop pour lui. Il a donc pris toutes ses affaires et s’est enfui dans la forêt. Il a construit sa propre petite maison et depuis ce temps, il vit dans la paix et la joie. Ovila n’avait pas vraiment inventé cette histoire puisque c’était la sienne. Peu importe, l’histoire continue comme suit : rendu à 90 ans, l’homme ne se sentait pas toujours bien. Il était très souvent fatigué et avait plusieurs étourdissements dans la journée. Le jour de sa fête, il a raconté une histoire aux petits animaux qui venaient chez lui. Lorsqu’il a terminé de raconter son histoire, l’homme s’est endormi. Depuis ce temps, il ne s’est jamais réveillé… « Sacré Ovila, il va me manquer lui. » dit l’infirmière du CHSLD de Ahuntsic à sa collègue. « Oui, t’as raison, il était bien gentil. C’était un peu triste par contre qu’il pense qu’il vivait à la campagne et qu’il parlait à des animaux. » dit la collègue. « Oui, c’est vrai » dit l’autre infirmière. Ensuite, les deux prirent un drap et le mirent par-dessus le corps du pauvre Ovila.